Passer de l’autre côté du miroir
Cet article est dédié à mon grand-père. Lorsqu’il a été diagnostiqué d’un cancer invasif de la vessie, je suis soudain passée de l’autre côté du miroir. Cela vous est peut-être déjà arrivé: de ne plus être le soignant mais le proche, voire même le patient. Quelles leçons peuvent être tirées d’une telle expérience ? C’est ce que je souhaite partager avec vous aujourd’hui.
– Initialement, j’ai été marqué par le peu de compréhension qu’ont les patients de leur maladie. Mon grand-père et mon père ont fait de longues études, pourtant leur compréhension du problème était très incomplète, les fausses croyances abondaient. Nous jouons un rôle capital dans l’explication de la maladie, mais aussi des attentes à avoir par rapport aux symptômes qui peuvent survenir et au pronostic. Des aides informatives comme des brochures ou des explications au moyen d’images nous soutiennent dans cette démarche. Plus que tout, cela nous demande également de prendre du temps, bien qu’il nous manque parfois crucialement.
– Le médecin est – de manière surprenante pour moi – finalement peu présent dans le quotidien du patient. Ce sont les petites choses qui marquaient mon grand-père : la saucisse immangeable, le fait de ne pas pouvoir dormir, mais surtout la qualité des soins infirmiers. Les infirmier(ère)s qui jouent également un rôle central dans le partage d’information, d’où l’importance pour nous de les inclure dans notre prise en charge et de ne pas sous-estimer leur travail.
– Mon grande-père a été pris au dépourvu par la perte de contrôle sur son corps vécue à l’hôpital. Il n’avait pas compris ce que les traitements signifiaient et où cela allait le mener, il a souffert de se sentir objet entre les mains des soignants. Croyez-moi, l’acharnement thérapeutique n’est pas un mythe ! A l’hôpital, il est difficile d’arrêter une thérapie, voire de ne rien proposer à un malade, il est donc crucial de réévaluer régulièrement la prise en charge avec le patient. Encore une fois, l’écoute et la communication sont indispensables, et permettent au patient de garder sa liberté de choix.
– La peur de souffrir a été bien plus tenace que la peur de mourir. Les soins palliatifs l’ont initialement rassuré, et ont rendu un retour à domicile possible. Lorsque sa situation s’est dégradée, il sont à nouveau intervenus pour lui permettre une fin paisible. Il peut être extrêmement utile (selon l’acceptance du patient) de les impliquer tôt. De plus, en tant que proche, cela facilite également le deuil de savoir le patient bien entouré jusqu’à la fin.
Au final, notre formation nous pousse à nous concentrer sur les aspects techniques, sur des guidelines. Bien sûr qu’une prise en charge correcte est importante, mais le patient et ses proches se rappelleront de bien plus que cela. D’où l’importance d’une bonne communication, d’inclure les autre soignant dans notre prise en charge, et dans les cas complexes de réévaluer régulièrement la situation avec le patient et ses proches. Ah et bien sûr, d’améliorer le gout des saucisses servies au déjeuner !
Sarah Dugas